
Le jour où je n’ai plus fui
Le malaise est apparu il y a trois ans, sournoisement.
Silencieux, invisible pour le monde extérieur, mais chaque jour plus pesant.
Mon égo et ma faculté d’analyse se sont mis à travailler sans relâche pour tenter de trouver une solution à cette présence étrange dans ma tête, une invitée qui n’avait pas été conviée.
Au fil du temps, le monde extérieur s’est mis au diapason de cette intruse :
difficultés professionnelles, financières, personnelles.
Cette pensée – pas méchante, mais obsédante – ne me quittait plus.
Elle rôdait sans cesse, tapie, guettant chaque moment de faiblesse pour faire surgir son malaise… toujours plus lourd, toujours plus sourd.
Et puis un jour, plus rien ne marche.
Même les distractions n’ont plus d’effet.
La vie, elle aussi, semble perdre patience.
La voiture tombe en panne. Mon corps me trahit : une blessure à la cheville m’oblige à rester immobile, coincé dans un fauteuil toute la journée.
Plus aucune échappatoire.
Il ne reste que moi… cette présence intérieure… et le silence.
Ou le vide, selon les moments.
Des jours, des semaines passent.
Le mental s’épuise.
Puis : le silence total. L’attente.
Une attente d’abord agaçante, puis… étrangement douce, par moments.
Plus rien n’a vraiment d’importance. Et ce détachement n’est plus souffrance : c’est repos.
Et soudain, une étincelle.
Une petite envie, légère… mais qui réchauffe le cœur.
Je suis encore vivant.
Immédiatement, l’égo se réveille, le mental saute sur l’occasion :
Projet ! Analyse ! Étapes à prévoir !
Mais quelque chose a changé.
Je les regarde, comme s’ils étaient à l’extérieur de moi.
Je ne suis plus eux.
Je leur dis : taisez-vous.
Et je reste là.
Et là, dans cet instant, je prends conscience :
Eux sont dans le Faire.
Moi, je suis dans l’Être.
Je ressens dans mon corps que je viens, peut-être pour la première fois, d’intégrer profondément cette différence.
Je suis heureux.
Ce n’est pas la fin du chemin.
Mais c’est peut-être la fin du silence.
Ou plutôt, le début timide, mais réel, de l’Être.
Quelle joie.
Quel bonheur de revenir à la vie,
doucement, tranquillement.
